Beaucoup de choses s’étaient passées depuis ma dernière rencontre avec Ella. Je n’avais eu aucune nouvelle, et cela m’inquiétait. C’est pour cela que, ce jour-là, j’avais décidé de lui rendre visite, à son appartement. Partant de la résidence personnelle de Raphaëlle, je me rendis donc là-bas, en volant, comme à mon habitude depuis que j’avais pris possession du pouvoir de ce cher Nathan. Je n’avais même pas un seul regret, à chacun de mes utilisations. C’était comme si rien ne s’était passé. Nathan n’avait aucune importance à mes yeux, et il était l’un des seuls qui ne me comprendraient jamais.

Je n’avais aucune idée de la façon à laquelle Ella allait m’accueillir, mais peu importe, je ne pouvais pas faire machine arrière maintenant. Et puis, je tenais vraiment à avoir de ses nouvelles. J’avais beau être un « monstre », j’avais tout de même un cœur... Et je l’aimais. Arrivant enfin devant chez elle, j’entrai dans le bâtiment, me dirigeant vers son appartement qui se trouvait au deuxième étage. Une fois arrivé devant la porte, je restai quelques secondes, immobile, prenant un air pensif. Puis, je frappai à la porte. Celle-ci ne mit pas beaucoup de temps avant de s’ouvrir, affichant le magnifique visage d’Ella, qui pourtant ne semblait pas si bien…

« Ella ? Qu’est-ce qu’il se passe, ça ne va pas ? Je n’ai pas eu de nouvelles de toi depuis un certain moment… As-tu changé d’avis à mon sujet ? »

Je la regardais droit dans les yeux, alors que je voyais dans les siens une certaine dose d’énervement et de tristesse. J’avais l’impression de revivre le jour où j’avais été enfermé avec elle, dans une cellule de Pinehearst, pour développer mon empathie… J’essayais d’entrer, lentement, en posant ma main sur la sienne. Mais, quelque chose d’étrange m’interpella. Je ne ressentais rien. Aucun souvenir. Je ne pouvais pas non plus décrire ses émotions en écoutant son cœur. Non.. Mes pouvoirs semblaient m’échapper. Comment cela pouvait-il être possible ? Une éclipse venait d’apparaître alors que j’étais dehors dix minutes auparavant ? Cela me paraissait presque impossible, et pourtant. Ou bien…

« Le Haïtien est là ? J-j’ai l’impression de ne plus rien ressentir… Comme si mes pouvoirs m’abandonnaient. »

Il m’était rare d’avoir l’occasion de voir Ella dans cet état. Elle semblait fatiguée, mise à rude épreuve, chose qui pour moi était quasiment impossible, grâce à sa force mentale. Je ne pouvais me résoudre à croire qu’elle allait bien, alors qu’il se passait quelque chose d’étrange. Etait-elle malade ? Avait-elle une mauvaise nouvelle à m’annoncer ? Je ne voulais pas la perturber, la bousculer dans ses retranchements. Je me contentais seulement de la prendre tendrement dans mes bras en déposant un léger baiser sur son front. Puis, je pris la parole.

« Tu m’as manqué depuis tout ce temps… Tu as sûrement dû apprendre des choses à mon égard, aux journaux télévisés. Je sais que ça doit faire un choc de voir ce changement.. Nathan, mort, et moi reprenant sa place de Président. Ça a du te faire un choc de voir ça. »

Je savais qu’elle allait m’en vouloir, après ce que j’avais fait. Toutes mes actions, aussi bien seul qu’accompagné de Raphaëlle, étaient des plus mauvaises, et tout ça pour obtenir le pouvoir à la place de mon ennemi. Auparavant, je n’aurais pas réagi de cette manière, mais la révélation de Raphaëlle quant à la future naissance de mon enfant, m’avait…changé. Je ne pensais plus de la même façon, n’agissait plus de la même façon. Peut-être était-ce aussi à cause de ce que j’avais dessiné, il y avait peu de temps ? Probablement. J’étais un peu perdu, à vrai dire.

« Il y a quelque chose qu’il faut que je te dise… Pendant ton absence, j’ai mis enceinte une autre femme.. Une femme qui m’a aidé à grimper jusqu’au dernier échelon politique, ma conseillère à ce jour… »

Sur ces mots, je pus voir son visage changer d’expression. Elle ne paraissait plus « heureuse » de me voir, mais plutôt énervée. Je savais bien que ce que j’avais dessiné allait se passer un jour, je ne pouvais y échapper. Entrant ma main dans la poche de ma veste, je sortis une arme à feu, chargée, que j’envoyais à Ella, qui s’était quelque peu écartée de moi après ce que je venais de lui annoncer.

« On dirait que le destin avait vu juste. Je suis faible, mes pouvoirs ont disparus. Dis-toi que ce sera sûrement le seul moment où tu auras l’occasion de te venger, enfin… Il y a quelques jours, j’ai dessiné cette scène. Toi, pointant une arme sur moi. C’est marrant.. Au final, on récolte ce que l’on sème, pas vrai ? »

Alors comme ça, Ella avait appris pour moi et Raphaëlle, pour notre relation. Je n’étais pas au courant de ça. Comment avait-elle pu l’apprendre ? Les journaux ? Peu importe, dans tous les cas, je devais mourir ici et maintenant. Alors ce n’était plus vraiment l’heure des révélations, me concernant. Je la regardais, droit dans les yeux, comme si je voulais la forcer à tirer. Cependant, quelque chose me laissa bouche-bée. Elle m’annonça qu’elle était enceinte de moi. J’avais vraiment réussi à la mettre enceinte en ne couchant qu’une seule fois avec elle, depuis la dernière fois ? C’était étonnant mais possible. Je me retrouvais donc avec l’annonce de l’arrivée prochaine de deux nouveaux nés, tous deux issus de moi. Je n’aurais même pas l’occasion de les connaître, à l’avenir.

Cela me rendait triste au fond. Et puis, leur mère leur raconterait sûrement mes méfaits, le fait que je sois un « monstre ». Je ne voulais pas que mes enfants aient cette opinion de moi. Etre fils ou fille d’un meurtrier, d’un psychopathe... non. Mais au fond, que pouvais-je y faire ? Rien ne m’était possible. Et il valait même mieux qu’on en finisse.

Je fermais les yeux, levant les mains au niveau de mes épaules, avec un léger sourire aux lèvres.

« Ella, tire, immédiatement. Et n’oublies pas… Plante quelque chose dans ma tempe gauche, c’est là que j’ai placé le bouton off.. »

Sur ces mots, elle prononça quelques mots, et le coup de feu retentit. La balle vint se loger au niveau de mon cœur. Il ne me restait que quelques secondes de vie… Un dernier souffle. Mes yeux s’entre-ouvrirent, laissant glisser une larme s’échouant sur le sol. Et je prononçais mes derniers mots, avant de partir dans un endroit lointain… Là-haut.

« L-la tempe….gauche… J-je.. t’aime.. Ella.. »